La sonde japonaise Hayabusa-2 va prélever des fragments de roche sur l’astéroïde Ryugu. Cette mission étonnante fournira peut-être de précieuses indications sur l’origine de l’eau et de la vie sur Terre.
Grappiller quelques fragments de roche sur un astéroïde pour les rapporter sur Terre et les analyser. C’est la prouesse que s’apprête à réaliser la sonde nippone Hayabusa- 2 – « faucon pèlerin-2 » en japonais – qui depuis l’été 2018 escorte un astre vagabond de 900 mètres de diamètre dans sa course incessante autour du Soleil. Baptisé Ryugu en référence au palais du dieu-dragon de la Mer de la mythologie japonaise, il se situe à 350 millions de kilomètres de notre planète et file à la vitesse de 100.000 km/h.
Au début de ce mois de février 2019, si tout se passe comme prévu, la sonde, ce »rapace » de 600 kg, se posera quelques très brefs instants sur sa proie. Il prélèvera alors quelques centaines de milligrammes de poussières, quantités certes infimes mais qui fourniront des informations de première importance sur l’époque la plus reculée du système solaire. « La matière dont est constituée Ryugu n’a quasi pas évolué depuis 4,5 milliards d’années, explique Patrick Michel, chercheur à l’observatoire de la Côte-d’Azur qui participe à cette mission avec une vingtaine d’autres scientifiques français. En analysant sa composition, nous pourrons ainsi remonter le temps et accéder aux ingrédients qui ont donné naissance aux planètes. Ryugu, supposé riche en minéraux hydratés et en molécules organiques, fournira aussi de précieuses indications sur l’origine de l’eau et de la vie sur Terre », un déluge d’astéroïdes de ce type s’étant abattu sur notre planète pendant des centaines de millions d’années lors de sa prime jeunesse.
La variété la plus primitive et abondante d’astéroïdes
Ce n’est certes pas la première fois qu’un échantillon d’astéroïde serait rapatrié ici-bas. En 2010, l’Agence spatiale japonaise (Jaxa) avait déjà réussi cet exploit historique grâce à la mission pionnière Hayabusa-1 (voir encadré en bas d’article). Sa cible, l’astéroïde Itokawa, était toutefois un géocroiseur de type S, composé principalement de silice et d’oxydes métalliques. Et non un astéroïde carboné de type C tel Ryugu, la variété la plus primitive et la plus abondante (environ 75 %) dans le système solaire. Cette mission avait connu en outre de nombreuses difficultés techniques. « Lors d’une première tentative d’atterrissage, Hayabusa-1 avait mal appréhendé l’environnement et rebondi sur le sol de façon incontrôlée, rappelle Patrick Michel. La seconde tentative a certes réussi, mais le vaisseau n’a pas pu mettre en œuvre l’outil qui aurait permis d’arracher et récolter des échantillons. » La Jaxa pensait même que la sonde rentrerait bredouille… Or en cognant la surface de l’astéroïde, elle avait toutefois soulevé quelques microgrammes de poussière capturés par la trompe de prélèvement ! De manière « accidentelle », Hayabusa-1 a donc pu récupérer et acheminer sur Terre des échantillons. « On ne les voyait même pas à l’oeil nu, indique Patrick Michel. Mais les cosmochimistes ont fait des merveilles et produit tout récemment des résultats très intéressants sur la composition et l’histoire d’Itokawa. »
Nouveaux instruments et améliorations techniques
Après cette formidable aventure spatiale, la Jaxa a donc décidé de construire une nouvelle sonde pour s’attaquer cette fois à un astéroïde de type C, pour un budget de 200 millions de dollars. Lancée en 2014 depuis l’île de Tanegashima, au sud du Japon, elle a atteint son objectif en juin 2018. « Très semblable à son prédécesseur, Hayabusa-2 bénéficie toutefois de nouveaux instruments et de plusieurs améliorations techniques – notamment sur les systèmes de guidage laser et de collecte d’échantillon -, et surtout de l’expérience acquise avec Itokawa », poursuit Patrick Michel. Mais comme dans toute mission d’exploration, les surprises se sont succédé. D’abord apparu rond, puis carré, à mesure que la sonde s’approchait de l’astéroïde, Ryugu ressemble en réalité à une sorte de toupie avec une grosse boursouflure équatoriale.
« Cette apparence est typique des petits corps qui tournent très vite sur eux-mêmes, d’importantes quantités de matière se trouvant alors déplacées des pôles jusqu’à l’équateur », explique Aurélie Moussi, cheffe de projet au Centre national d’études spatiales (Cnes) pour Hayabusa-2. Or Ryugu pivote lentement : il lui faut quasiment huit heures pour effectuer une rotation complète, ce qui pose aux scientifiques un véritable casse-tête…
Une première récolte ajournée faute de plaine
Mais leurs préoccupations concernent surtout la surface de l’astéroïde, beaucoup plus chaotique qu’attendu ! Les images et les mesures prises par Hayabusa-2 montrent qu’elle est parsemée de rochers de toutes tailles, certains dépassant les 10 mètres de haut. Le sol, en outre, semble totalement dépourvu de poussières fines dénommées régolite. « Quand la sonde a dévoilé peu à peu la surface de l’astéroïde, nous avons senti monter une très forte inquiétude chez les ingénieurs de la Jaxa, témoigne Laurence Lorda, coordinatrice des équipes de mécanique spatiale au Cnes. Dans le scénario idéal, ils devaient repérer des plaines de régolite fin pour y prélever des échantillons… or il n’y en a aucune ! » La Jaxa a donc été contrainte de repousser la date de la première collecte, prévue initialement en octobre 2018, afin que les ingénieurs s’adaptent à la nouvelle donne et dénichent des sites d’atterrissage ne mettant pas en péril le vaisseau et ses panneaux solaires de six mètres d’envergure ! L’agence japonaise a dû ainsi se contenter d’identifier des zones d’atterrissage exiguës de 20 mètres de largeur au lieu des 100 mètres espérés.
Le largage de trois engins robotisés s’est, en revanche, déroulé comme prévu. Tout d’abord, les deux petits rovers « sautillants » (Minerva IIA et IIB) déposés le 22 septembre dernier sur Ryugu « ont révélé les toutes premières images de la surface d’un astéroïde », s’enthousiasme Patrick Michel.
Une dizaine de jours plus tard, l’atterrisseur franco-allemand Mascot a lui aussi été largué sans encombre. « Grand comme une boîte à chaussures, il a fourni des images de très haute résolution ainsi que des données sur le champ de gravité et la nature du sol, précise Aurélie Moussi. Lâché à seulement 50 mètres de la surface, l’atterrisseur a permis également de vérifier que le système de navigation optique fonctionnait jusqu’ici parfaitement. » Pour augmenter la précision de l’atterrissage programmé début février 2019, ce système utilisera des billes métalliques crantées et ultra-réfléchissantes de 10 cm de diamètre projetées sur le site choisi par la Jaxa. Elles permettront à la sonde de se repérer sur la surface extrêmement sombre de l’astéroïde quand celle-ci descendra de 20 km (son « orbite de parking ») à 100 mètres d’altitude, entrant alors en navigation autonome.
Une explosion pour butiner des matériaux « frais »
Grâce à ces marqueurs, Hayabusa-2 s’alignera à 30 mètres d’altitude à la verticale du sol, puis sera guidée tout en douceur jusqu’au point de contact. Dès que la trompe de prélèvement touchera la surface, un projectile en titane sera tiré à 300 m/s afin que les éjections de poussières soient aussitôt aspirées et récupérées dans une capsule de quelques centimètres de long. « Tout cela en cinq petites secondes ! La sonde redécollera immédiatement pour se mettre à l’abri dans son orbite initiale », précise Laurence Lorda. Une deuxième opération devrait débuter en avril. Hayabusa-2 lancera alors une charge explosive au-dessus de l’astéroïde, qui projettera à 2000 m/s un objet en cuivre de deux kilogrammes à la surface de Ryugu. Caché pendant ce temps de l’autre côté du géocroiseur, le vaisseau retournera ensuite butiner, en mai, les poussières issues de cette déflagration. « Cette seconde récolte vise à recueillir des matériaux “frais” qui n’ont pas été altérés par les radiations solaires », précise Aurélie Moussi. Avec son précieux chargement, Hayabusa-2 quittera le corps rocheux en décembre 2019, le retour sur Terre étant prévu un an plus tard, en 2020, dans un désert du sud de l’Australie.
Hayabusa-1 a ouvert la voie
Hayabusa-2 vise à réitérer l’exploit de son prédécesseur qui, en 2005, avait visité Itokawa, astéroïde de 540 mètres de long. Expérimentant plusieurs techniques d’exploration et de collecte dans un environnement en microgravité, cette mission avait pu rapatrier sur Terre, cinq ans plus tard, 1534 particules d’une taille comprise entre 3 et 40 micromètres. Après de longues analyses chimiques et isotopiques (fondées sur la désintégration des résidus d’uranium notamment), ces grains constitués de silicates, d’olivine ou de feldspaths ont finalement révélé, en août 2018, l’histoire mouvementée du corps rocheux. Il provient d’un « corps parent » de probablement 20 km de diamètre qui – à la suite d’un choc cataclysmique survenu il y a 1,4 milliard d’années – s’est fragmenté et agrégé de nouveau pour former l’astre tel qu’il existe aujourd’hui.
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