« Warner n’aime pas le cinéma ». Cette déclaration du réalisateur Denis Villeneuve illustre l’état d’esprit de nombreux acteurs du septième art face à la stratégie de la compagnie. Pour rappel, WarnerMedia a annoncé en décembre dernier que tous ses films, qui sortiront en 2021 au cinéma, seront diffusés simultanément en streaming sur HBO Max pendant un mois aux États-Unis. Cela concerne en tout 17 longs-métrages à gros budget parmi lesquels : Matrix 4, Dune, ou encore The Suicide Squad.
C’est la première fois qu’une entreprise majeure de l’industrie choisit de diffuser ses blockbusters directement en SVOD. Loin d’être anodine, cette décision entraîne déjà des conséquences directes sur l’industrie du cinéma. Elle inquiète beaucoup les exploitants de salles américains qui sont en très grande difficulté suite à la pandémie de covid-19.
Des cinémas soucieux pour leur avenir
Comme le précise France Culture, les grandes entreprises telles que AMC, Regal et Cinemark ont dans leur grande majorité dû fermer les portes de leurs multiplexes entre mars et mai 2020. AMC a même déclaré en juin dernier « nous ne générons aucun revenu », avec des pertes qui se chiffrent déjà en milliards de dollars.
Adam Aron, le président de la compagnie, semble d’ailleurs voir assez clair dans le jeu de Warner Media :
Clairement, WarnerMedia compte sacrifier une portion considérable de la rentabilité de sa branche de studio de cinéma, et celle des ses partenaires de production et des cinéastes, pour subventionner le lancement d’HBO Max. Quant à AMC, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que Warner ne le fasse à pas à nos dépends. Nous allons agressivement nous engager dans des termes économiques pour préserver notre business.
Dans un contexte où certaines compagnies pourraient faire faillite, cette annonce a donc de quoi faire peur, d’autant que les consommateurs américains préfèrent désormais regarder les films en streaming plutôt que de se rendre en salles. Ainsi, dans un sondage commandé par Variety auprès de 1000 personnes, 70 % des répondants souhaitent visionner les longs-métrages chez eux, tandis que 13 % seulement envisagent d’aller au cinéma.
Les stars d’Hollywood montent au créneau
La décision de la Warner a aussi des conséquences concrètes pour les artistes. Comme le rapportent nos confrères du Monde, ce projet a créé un conflit avec les deux principales agences d’acteurs : William Morris Endeavor et Creative Artists. Il faut en effet savoir que les stars reçoivent deux cachets distincts pour leur participation à un film : une première rémunération est versée avant le tournage et une autre en fonction du nombre d’entrées.
Cet équilibre est bousculé et les vedettes d’Hollywood n’ont pas tardé à réclamer leur dû. C’est le cas de Patty Jenkins et Gal Gadot qui ont obtenu chacune un chèque de dix millions de dollars pour Wonder Woman 1984.
Les agents d’Angelina Jolie, Will Smith, Hugh Jackman, Keanu Reeves, Margot Robbie et Denzel Washington se sont alors fait entendre et un bras de fer est aujourd’hui engagé. Les intéressés, qui participent à des longs-métrages de Warner en 2021, veulent en effet être traités à la même enseigne que les protagonistes du film de l’univers DC. On ignore pour l’heure si un accord a été trouvé mais cela pourrait au final coûter assez cher à l’entreprise.
Avec cette nouvelle stratégie, Warner a donc créé des remous dans l’industrie. Pour autant, le studio a pris soin de présenter ces mesures comme transitoires, le temps que la crise sanitaire se termine, et rien n’indique qu’elles seront maintenues l’an prochain.
À noter que cette problématique ne concerne pas la France où la règle de la chronologie des médias interdit toute diffusion simultanée directe en streaming des films sortis en salles. On peut toutefois constater que la pandémie a produit ses effets et que la SVOD séduit de plus en plus les consommateurs. De leur côté, les exploitants de salles sont aussi en difficulté et la fréquentation des établissements a chuté de 70 % en 2020.
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