Alors que les lanceurs de satellites se multiplient comme des petits pains depuis quelques années, la Darpa, l’agence de recherche du Pentagone, vient de relancer une vieille idée pour se procurer un avantage compétitif: des fusées propulsées à l’énergie nucléaire.

Il ne s’agit pas de faire décoller la fusée avec un réacteur nucléaire, comme le tentent les Russes avec leur «Tchernobyl volant». La Darpa réfléchit plutôt à la propulsion nucléaire thermique, avec laquelle l’énergie nucléaire sert à chauffer le carburant (en général de l’hydrogène). Ce type de propulsion permet en théorie d’atteindre des vitesses d’éjection des gaz plus élevées et un meilleur rendement.

Le moteur nucléaire n’est pas supposé faire décoller la fusée mais lui procurer une propulsion supplémentaire pour allonger sa durée de vie. Cela servirait à réaliser des accélérations et décélérations permettant de modifier l’altitude d’un satellite en cas d’erreur de trajectoire, ou de placer des satellites sur différentes orbites.

La propulsion nucléaire thermique est un vieux serpent de mer, imaginé par l’US Air Force dès 1946 et par le MIT en 1947. Dans les années 1960, les États-Unis envisagaient de l’utiliser sur les fusées Saturn V et Saturn I. L’URSS avait elle aussi étudié la question, mais aucun projet concret n’a finalement vu le jour.

Opérationelle d’ici à 2025

L’intérêt pour ce concept a été relancé en 2019, à la faveur d’un mémorandum présidentiel facilitant l’utilisation de fusées contenant du matériel radioactif. Selon New Scientist, la Darpa vient de passer des contrats avec plusieurs sociétés dont General Atomics, Blue Origin et Lockheed Martin afin de développer un démonstrateur et une fusée opérationnelle d’ici à 2025.

Il existe toutefois des risque inhérents à l’utilisation de ces moteurs nucléaires. En 1983, le réacteur du satellite soviétique espion Cosmos 1402, contenant 50 kg d’uranium enrichi, avait explosé en plein vol. Heureusement, l’étage contenant le réacteur s’était entièrement consumé dans la haute atmosphère, de sorte qu’aucune retombée radioactive ne fut constatée sur Terre. La désintégration d’une telle fusée lors du décollage ou sur le pas de tir aurait en revanche des conséquences catastrophiques.

Pour se prémunir d’un tel risque, la Darpa souligne que le réacteur nucléaire ne serait activé qu’une foi la fusée mise en orbite. «Tant qu’il n’a pas été activé, le moteur contient juste une faible quantité d’uranium peu enrichi», explique à New Scientist Laurence Williams, spécialiste de la sûreté nucléaire. «Cela n’a rien à voir avec la toxicité du plutonium, utilisé dans de nombreuses missions spatiales», comme celle du rover martien Perseverance.

Sources

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