La NASA a donné son feu vert au lancement d’Artemis I, première mission du programme visant à retourner sur la Lune y rester cette fois-ci. Un retour sur la Lune qui, par ailleurs, ne pourra pas se faire sans l’ESA. Rendez-vous ce lundi 29 août, à 14 h 33, heure de Paris, pour ce lancement historique d’une mission de 42 jours qui déterminera la suite du programme Artemis.
Lundi 22 août, la NASA a réalisé une dernière revue d’aptitude au vol du SLS et d’Orion qui s’est bien déroulée. Ce système de lancement qui doit ramener les Américains sur la Lune a été déclaré apte au vol. Le lancement d’Artemis I a donc été confirmé pour le 29 août. Le décollage du SLS est prévu dès que possible à l’intérieur d’une fenêtre de tir de deux heures qui s’ouvrira à 14 h 33, heure de Paris (08 h 33, heure locale). En cas de report, les fenêtre de tir suivantes sont fixées au 2 et 5 septembre, puis le 20 septembre.
Ce premier vol d’Artemis est un vol de test sans équipage qui va servir à qualifier le lanceur SLS et le véhicule Orion. Ce vol a donc pour but de pousser dans ses retranchements le module de service d’Orion (ESM), fourni par l’Agence spatiale européenne et sous maîtrise d’œuvre d’Airbus Défense et Espace, afin de voir s’il est capable de réaliser toutes les manœuvres prévues.
Que sera capable de faire Orion avec son module de service ?
À proprement parler, le but de ce vol, ce n’est évidemment pas de pousser le véhicule à sa limite structurelle mais de le « tester à l’intérieur de son enveloppe de vol et voir dans quelles conditions et comment il peut fonctionner dans des configurations de vol très variées », nous explique Didier Schmitt, responsable de la Stratégie sur l’exploration humaine et robotique à l’ESA. L’objectif de cette mission de 42 jours est de tester Orion et son module de service au-delà de ce qu’il va devoir faire pour les missions suivantes. Il faut savoir qu’Orion n’est pas un véhicule à usage unique, son module d’équipage est réutilisable et conçu pour une multitude de missions différentes.
Pour comprendre la nécessité de tester le module de service d’Orion, il faut savoir que ce « module a été défini il y a 10 ans, à une époque ou Orion était destiné à des missions vers des astéroïdes », rappelle Didier Schmitt. Il n’était alors pas question de Gateway et encore moins de missions lunaires. Aujourd’hui, nous avons une « idée plus claire des missions d’Orion de sorte qu’il est nécessaire de vérifier en orbite que notre module sera en capacité de les réaliser ». Comme le précise Philippe Deloo, chargé du projet ESM à l’ESA, c’est la « première fois que le système sera testé dans l‘espace ». Certes, le module ESM a déjà « été testé au sol mais la représentativité des tests au sol n‘est jamais de 100 %. Là, on va pouvoir affiner nos modèles. On va apprendre énormément avec ce vol », indique-t-il.
Parmi les missions qui n’étaient pas prévues à l’origine de la conception d’Orion, on citera en exemple celle d’Artemis IV. Lors de cette mission, Orion va servir de remorqueur pour arrimer le module I-HAB (International-Habitat, construit par Thales Alenia Space) au Gateway. Il est donc « nécessaire d’analyser ce scénario car le module de service n’a pas été développé pour cela. C’est tout l’intérêt d’Artemis I dont le vol de 42 jours permet de vérifier et tester ce type de phase de vol et de manœuvre », souligne Antoine Alouani, Responsable technique du sous-système de propulsion chez Airbus France.
Vigilance autour du bouclier thermique de la capsule
Le système de propulsion de l’ESM sera donc au cœur des tests que la Nasa espère réaliser, et particulièrement scruté. Comme le rappelle Antoine Alouani, ce « système de propulsion ne compte pas moins de… 33 moteurs ». Dont un moteur principal, « qui est un de ceux de la Navette spatiale et qui a déjà volé et fourni une poussée de 26 kilonewtons », 8 moteurs auxiliaires, « dérivés de ceux du véhicule de transfert automatique (ATV)», et 24 moteurs de contrôle d’attitude.
L’autre point fort de ce vol et principal point de vigilance de la mission concerne le bouclier thermique de la capsule. La vitesse de rentrée dans l’atmosphère d’une mission de retour de la Lune étant bien supérieure à une mission de retour d’orbite, onze kilomètres par seconde contre « seulement » sept kilomètres par seconde, la Nasa veut s’assurer de son bon comportement lors de la phase de rentrée atmosphérique. Ce bouclier sera l’unique protection des astronautes durant cette phase cruciale.
Les panneaux solaires sont aussi un sujet de préoccupation majeur. Ces panneaux sont orientables autour de leur axe et peuvent s’incliner vers l’avant et l’arrière pour des raisons structurelles et thermiques. Il faut savoir que la poussée du moteur principal est telle que si les panneaux restaient déployés à 90 degrés, ils n’y résisteraient pas, d’où la nécessité de les incliner. Autre point de vigilance, et non des moindres, les panneaux ont une certaine fréquence de résonance. Or, les moteurs de l’ESM sont pulsés à une certaine fréquence pour pouvoir contrôler la direction et l’attitude. Airbus souhaite « vérifier ces interférences de fréquences afin de vérifier que les panneaux n’entrent pas en résonance, ce qui pourrait les amener à se disloquer », précise Antoine Alouani.
Sans l’Europe, pas de retour sur la Lune
Vous l’aurez compris, sans ce module de service européen, la Nasa ne peut pas retourner sur la Lune. Cela dit, sans la Nasa, l’ESA ne peut pas aller bien haut non plus !
Pour l’Agence spatiale européenne, les enjeux sont énormes. Il faut savoir que la fourniture des modules ESM à la Nasa s’est faite dans le « cadre d’un accord historique à l’intérieur duquel nous avons négocié trois vols d’astronautes de l’ESA à bord du Gateway », rappel Didier Schmitt. Or, la prochaine étape est de négocier un « astronaute européen sur la surface de la Lune » !
Afin de convaincre la Nasa d’en amener un avec elle lors d’une mission Artemis, il « faudra autre chose qu’un module de service. Cela pourrait être l’atterrisseur lunaire polyvalent EL3 ». Cet atterrisseur lunaire polyvalent, autonome et de forte capacité pourrait « servir à la logistique des missions Artemis et donc de contrepartie proposée à la Nasa pour faire atterrir sur la Lune un de nos astronautes, et d’autres par la suite ». Encore faut-il que les États membres de l’ESA donnent leur feu vert à son développement lors du prochain conseil ministériel prévu en novembre 2022.
Profitez-en pour vous abonner et suivre d’autres reportages tout aussi passionnants.
Votre commentaire