La découverte de civilisations extraterrestres avancées à seulement quelques dizaines ou centaines d’années-lumière dans la Voie lactée signifierait que l’apparition de la Vie intelligente est aussi inévitable que la formation des étoiles et que l’Humanité a des chances sérieuses de ne pas disparaître au cours du XXIe siècle, confrontée à des problèmes environnementaux et la stupidité d’Homo sapiens. C’est cependant avec la tête froide qu’il faut examiner les huit signaux radio peut-être en provenance d’E.T., débusqués par une IA utilisant le deep learning dans le cadre du programme Seti du projet Breakthrough Listen.

« C’est une nouvelle ère pour la recherche Seti qui s’ouvre grâce à la technologie d’apprentissage automatique », a déclaré en commentant un article paru dans Nature Astronomy Franck Marchis,  planétaire au Seti Institute de Mountain View, en Californie et que les lecteurs de Futura connaissent bien pour son implication dans la  des eVscopes de la société Unistellar.

La publication fait état de l’utilisation d’un algorithme de deep learning  qui a été utilisé par des chercheurs pour analyser à nouveau des signaux  collectés lors d’une campagne d’observation en 2017 utilisant le mythique  de Green Bank en Virginie-Occidentale (États-Unis).

Or, parmi les 820 étoiles que des chercheurs du projet Breakthrough Listen (parrainé par la Breakthrough Prize Foundation) ont étudiées à la recherche de technosignatures pouvant révéler l’existence de civilisations extraterrestres au moins aussi avancées que la nôtre, cinq ont émis de façon transitoire des signaux radio, huit au total, qui pourraient précisément être d’origine E.T. en raison de leurs caractéristiques.

Ils étaient passés inaperçus auparavant en utilisant les précédentes techniques de recherche.

Plus de 60 ans de Seti

On aimerait bien savoir ce qu’en auraient pensé Carl Sagan et Frank Drake, ainsi que leurs collègues russe et ukrainien Nikolaï Kardashev et Iossif Chklovski, sans oublier Arthur Clarke, s’ils étaient encore parmi nous.

Rappelons qu’avec son collègue  (1934-1996), le radioastronome Frank Drake (1930-2022) avait été le père du projet  (Search for Extraterrestrial Intelligence) qui reposait sur l’idée que l’on pouvait peut-être détecter les  dans le domaine des ondes radio de civilisations extraterrestres dans la , et peut-être même communiquer avec elles en échangeant des messages.

C’est pourquoi Drake avait lancé une première et rudimentaire écoute du ciel déjà avec le radiotélescope de Green Bank le 8 avril 1960. Baptisée projet Ozma, du nom d’une princesse du pays d’Oz, elle dura un mois, s’arrêta pendant une  équivalente avant de se terminer en juillet au bout d’un autre mois. Pendant ces deux périodes, Drake et ses collègues écoutèrent à raison de six heures par jour deux étoiles semblables au  et situées à moins de 15 , Tau Ceti et Epsilon Eridani. Le résultat fut négatif mais le contraire eut été étonnant étant donné les moyens de l’époque.

Rappelons également que c’est en septembre 1959, que la revue Nature publiait un article visionnaire de Giuseppe Cocconi, qui joua un rôle important dans la mise en route du Proton Synchrotron du , et Philip Morrison, qui avait participé au projet Manhattan : Searching for Interstellar Communications.

Les deux  tenaient le raisonnement suivant : si des civilisations extraterrestres avancées existent dans la , elles communiquent probablement entre elles ou avec leurs colonies à l’aide d’ondes radio. En considérant les  les plus propices à la transmission lointaine de signaux clairs, malgré le bruit de fond radio galactique, ils avaient conclu que la bande radio la plus adaptée était celle, étroite, entourant la longueur d’onde de 21 cm.

De plus, cette bande correspond à une transition dite hyperfine dans l’atome d’hydrogène neutre, l’élément le plus abondant de l’Univers. C’était donc un bon moyen pour établir un standard de communication, naturellement adopté par toute civilisation développée.

Du « deep learning » pour filtrer les sources terrestres

Les bandes de fréquence se sont diversifiées depuis pour les écoutes et les  de données épluchées ont fini par exploser bien que restant encore très modestes par rapport aux domaines à explorer.

Le principal problème à résoudre est qu’il ne faut pas confondre des signaux bien terrestres avec de possibles signaux E.T.,  or notre civilisation fait déjà beaucoup de bruit avec les téléphones portables et les  pour ne citer que ces sources d’.

Pour débusquer les signaux qui proviennent peut-être d’E.T. autour d’étoiles situées entre 30 et 90 années-lumière de la Terre, il a fallu l’optimisation d’un algorithme de deep learning mis au point en partie déjà, alors qu’il était lycéen, par Peter Ma, mathématicien et physicien en doctorant à l’Université de Toronto, au Canada, et auteur principal de l’article aujourd’hui publié. L’IA qu’il a créée avec ses collègues s’est penchée sur près de trois millions de signaux d’intérêt, mais a rejeté la plupart en tant qu’interférence terrestre. Peter Ma en a ensuite examiné manuellement environ 20 000 et les a réduits à huit candidats intrigants.

Les chercheurs ont bien entendu entrepris d’écouter à nouveau les cinq étoiles semblant à l’origine de ces signaux, mais ils ne les ont toujours pas détectés, ce qui peut jeter un doute supplémentaire sur leur origine E.T.

Nous n’en sommes de toute façon encore qu’au début des  des possibilités ouvertes par le deep learning et les membres du projet Breakthrough Listen pensent déjà l’appliquer au flot de nouvelles données qui est en train d’arriver avec le réseau MeerKAT de 64 radiotélescopes en Afrique du Sud.

En effet, dans un communiqué de l’Institut Seti, Peter Ma déclare : « Nous étendons cet effort de recherche à 1 million d’étoiles aujourd’hui avec le  MeerKAT et au-delà. Nous pensons qu’un travail comme celui-ci aidera à accélérer le rythme auquel nous pouvons faire des découvertes dans notre grand effort pour répondre à la question « Sommes-nous seuls dans l’U ? » »

Terminons en indiquant que le communiqué de l’Institut Seti précise qu’après avoir exécuté le nouvel algorithme et réexaminé manuellement les données pour confirmer les résultats, les signaux nouvellement détectés présentaient plusieurs caractéristiques clés :

  • les signaux étaient à bande étroite, ce qui signifie qu’ils avaient une largeur spectrale étroite, de l’ordre de quelques  seulement. Ceux causés par des phénomènes naturels ont tendance à être à  ;
  • les signaux avaient des taux de dérive non nuls, ce qui signifie qu’ils avaient une pente. De telles pentes pourraient indiquer que l’origine d’un signal a eu une certaine accélération relative avec nos récepteurs, donc non locale à l’ ;
  • les signaux sont apparus dans les observations de source « ON » et non dans les observations de source « OFF ». Si un signal provient d’une source céleste spécifique, il apparaît lorsque nous pointons notre télescope vers la cible et disparaît lorsque nous détournons le regard. Les interférences radio humaines se produisent généralement dans les observations « ON » et « OFF » en raison de la proximité de la source.

Sources

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