Le géant de l’aérospatiale Lockheed Martin a présenté le projet d’utiliser Phobos, le satellite de Mars comme station spatiale habitée.

Partant du principe que l’on n’a pas immédiatement envoyé des humains sur la Lune, mais que la Nasa a effectué auparavant des vols habités en orbite lunaire, Lockheed Martin envisage donc un tel vol, mais pas avec une « simple » capsule qui ferait l’aller et retour. Son idée, c’est d’établir un véritable « camp de base » autour de Mars, une station scientifique qui effectuerait des observations, pourrait diriger quasiment en temps réel les robots martiens (rovers…), repérer les sites d’atterrissage possibles, récolter des échantillons pour renvoyer sur Terre, et bien entendu servir de point de départ pour les premiers humains qui fouleront le sol martien.

Début de l’assemblage autour de la Lune en 2021

Le « Mars Base Camp » dépendrait en grande partie de la capsule Orion, successeur d’Apollo, qui devrait effectuer un vol inhabité autour de la Lune en 2018. Ce n’est pas un hasard : le module de commande d’Orion est en effet construit pour le compte de la Nasa par… Lockheed Martin, et c’est cette capsule qui est à la base de tous les projets, lunaires et martiens, de l’agence spatiale américaine.

Deux vaisseaux Orion, un module d’habitat, des panneaux solaires géants, le concept fait rêver mais est totalement réalisable avec les technologies en cours d’élaboration. L’assemblage se ferait en partie en orbite lunaire, où la nouvelle station spatiale pourrait effectuer des missions scientifiques pendant quelques années avant son départ vers Mars. De plus, certains modules seraient envoyés directement autour de Mars, pour un assemblage lors de l’arrivée des autres éléments.

Le planning débute avec un vol prévu par la Nasa : fin 2018, la « super-fusée » SLS doit en effet réaliser son premier vol d’essai, le vol circumlunaire d’une capsule Orion inhabitée. Puis, selon Lockheed Martin, l’assemblage du « Base Camp » débuterait autour de la Lune, dès 2021. En 2023, il serait prêt pour que des expériences commencent à y être menées.

Depuis la Lune, direction Mars

En 2026, des équipements de surface destinés à devenir des soutiens de la future station seraient envoyés vers Mars ainsi qu’un premier « laboratoire spatial », et en 2028, le Base Camp quitterait l’orbite lunaire pour son voyage vers la planète rouge, avec deux capsules Orion accueillant (en tout) six astronautes à bord.

Une fois en orbite martienne et l’ajout des modules déjà sur place, ce serait donc une véritable station spatiale habitée qui serait installée là-bas, méritant bien son nom de « camp de base ». Les astronautes passeraient 10 à 11 mois à bord, réalisant des expériences, observant la surface, pilotant les drones, exploreraient Phobos et Deimos, les lunes martiennes…

Ils pourraient ainsi préparer l’arrivée du premier humain sur Mars, probablement au début des années 2030. Comme pour une station spatiale en orbite terrestre, les modules Orion feraient alors la navette entre la Terre et le Base Camp.

Le projet que la NASA ne pourrait pas réaliser ?

Si ce projet fait surface aujourd’hui, ce n’est probablement pas un hasard. La Nasa est en effet en difficulté sur son propre programme martien, remis en cause de manière assez énergique par le Congrès américain, qui doute de sa faisabilité, et dont certains membres souhaiteraient que l’on appuie sur l’accélérateur. Ce même Congrès qui a récemment attribué une enveloppe budgétaire spécifique à l’agence spatiale américaine pour qu’elle développe un module d’habitat pour les missions martiennes, qui compléterait le duo Orion-SLS.

Dans le même contexte, on ne peut oublier les annonces d’Elon Musk et de sa société SpaceX. Musk est désireux de coloniser Mars, il le dit depuis des années, et le mois dernier il a annoncé qu’une version robotisée de sa capsule Dragon (le concurrent d’Orion) serait envoyée sur Mars en 2018. Là aussi, la préparation d’une mission habitée qui pourrait griller la politesse à la Nasa.

L’agence spatiale américaine avait plutôt bien réagi à l’annonce de SpaceX, se déclarant prête à collaborer. Après tout, la conquête de Mars sera un travail d’équipe, et il y a de la place à la fois pour la Nasa, pour SpaceX… et pour Lockheed Martin. Mais qui sera le leader ? Musk a déjà commencé à abattre ses cartes. Aujourd’hui, Lockheed Martin se positionne, en proposant son projet « Base Camp » à la Nasa… et probablement, à travers elle, au Congrès des Etats-Unis.

Quel budget ?

On s’en doute bien, il va falloir trouver l’argent pour mener à bien ces missions, et pour l’instant, tout le monde évite soigneusement de parler budget de manière précise. Mais les Etats-Unis semblent décidés à soutenir une mission martienne… et si la position de leur agence spatiale semble aujourd’hui fragilisée devant le congrès conservateur, cela pourrait être à l’avantage de projets comme celui présenté par Lockheed Martin, par ailleurs gros fournisseur de l’administration (et de la défense) américaine. Reste à savoir ce que décidera le futur Congrès, issu des élections de la fin 2016.

Les acteurs sont pourtant en place : la Nasa poursuit sur sa lancée avec Orion et le SLS, et attend les résultats de ses appels d’offres pour son module d’habitat spatial. Elon Musk prépare le terrain avec sa mission-robot de 2018. Et Lockheed Martin propose une belle idée de station spatiale pouvant aussi servir de module d’habitat pour le premier voyage. Il ne reste plus qu’à accélérer…

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